Sylvia Day
Amazon icon Book Bub icon Booksprout icon Email icon Facebook icon Goodreads icon Globe icon Instagram icon My Sylvia Day icon Periscope icon Pinterest icon RSS icon SMS icon Snapchat icon Tumblr icon Twitter icon Vine icon TikTok icon Youtube icon
Read an Excerpt →

Jul 1, 2015  •  J'ai Lu

French Excerpt

Read the English excerpt →

Épisode 1

Darcy Michaels s’empara de sa mallette grise de sa main gantée et se déplaça avec précaution parmi les restes calcinés de son magasin de bonbons préféré. Autour d’elle, les pompiers se mouvaient à travers les ruines incandescentes, inspectant les moindres coins et recoins afin de s’assurer que le feu était complètement éteint. Des filets d’eau dégoulinaient depuis le plafond et le long des murs noircis, formant une flaque sur le sol ; l’odeur âcre de la fumée mêlée à celle du sucre roussi lui infestait les narines et lui collait à la peau, allant jusqu’à imprégner le tissu de son uniforme.

— C’est le troisième en trois semaines, maugréa James Ralston derrière elle. Je suis navré, Darcy. Je sais à quel point tu étais attachée à cette boutique.

Elle marqua une pause puis se tourna face à son mentor, un pincement douloureux au cœur. De même que les deux incendies précédents, celui-ci avait ravagé un endroit qui lui était cher, un lieu empli de précieux souvenirs. C’était dans cette boutique, Le Sweet Spot, qu’elle avait fêté son douzième anniversaire, c’était aussi là qu’elle s’arrêtait chaque vendredi pour acheter sa ration de langues acidulées, des sucreries que sa sœur lui avait fait découvrir et dont elle était devenue friande.

Reste concentrée, Darcy. Ce n’est pas le moment de t’égarer.

— Ce pyromane n’est pas près de cesser ses activités. Il a ça dans la peau, ça devient évident.

La fréquence des incendies et l’ingéniosité terrifiante des bombes à retardement employées pour les déclencher indiquaient que l’auteur de ces attaques avait eu le temps de fignoler sa marque de fabrique.

Darcy avait beau savoir que sa réaction était irrationnelle, c’était plus fort qu’elle. Elle se sentait violée. Fillette, elle n’avait eu qu’un souhait, celui de quitter Lion’s Bay ; mais aujourd’hui, elle était incapable ne serait-ce que de songer à abandonner cette petite ville de bord de mer. Les souvenirs qui avaient poussé ses parents à s’en aller la liaient elle à cet endroit, l’empêchant de s’en éloigner.

Jim posa sur elle ses yeux vert foncé emplis de compassion.

— Ça me laisse perplexe, Darcy. Il n’y a aucun nouvel habitant en ville et on est en basse saison. Autrement dit, les touristes se comptent sur les doigts de la main. Impossible de ne pas remarquer les gens qui ne sont pas du coin. Ils font taches.

Elle marcha lentement à travers les braises, retraçant du regard le chemin suivi par les flammes, comme son chef le lui avait appris.

— Ce type est un pro, fit-elle remarquer d’une voix qui se brisa. (Elle se racla la gorge.) Je pense qu’on devrait demander de l’aide d’en haut.

— Miller fait bien son travail. Il est méticuleux, ne néglige aucune piste. (Il lui effleura le coude.) Un petit conseil, Darcy : évite de marcher sur ses plates-bandes.

La jeune femme hocha la tête, consciente que ses rapports avec le shérif local étaient déjà compliqués.

— Je sais. Mais je crois qu’il a besoin de plus de moyens et qu’il est trop borné pour demander du renfort.

La dernière fois que les agents fédéraux avaient débarqué, ils en avaient fait voir des vertes et des pas mûres au shérif Chris Miller et à ses adjoints, les laissant sur la touche tout en épuisant les maigres ressources allouées pour les besoins de l’enquête. Elle ne se rappelait que trop bien cette période de tension, car c’était le meurtre sur lequel ils enquêtaient qui l’avait, elle, ramenée sur les lieux de son enfance.

— Et franchement, l’ego de Chris est le cadet de nos soucis, ajouta-t-elle.

— Commençons par inspecter la scène. Nous aviserons ensuite. (Jim la prit par les épaules ; il les pressa de manière réconfortante.) Tu ne devrais pas rester seule ce soir.

Elle couvrit ses mains des siennes. Il la connaissait vraiment par cœur.

Darcy avait effectivement besoin d’être soutenue, mais pas étouffée. Il lui fallait quelqu’un à proximité en cas de nécessité, quelqu’un qui sache s’effacer, la laisser tranquille en temps voulu.

Elle croisa son regard et il devina ses pensées.

— Ma porte t’es grande ouverte, Darcy. Tu peux dormir sur mon canapé quand tu le veux. Inutile de te le répéter.

Elle acquiesça d’un signe de tête.

— Merci.

— De rien. C’est tout naturel.

Elle pivota sur ses talons et fouilla les lieux à la recherche d’un endroit où poser son équipement. Il était temps de se mettre au travail.

Darcy poussa un long soupir, se retourna sur le sofa et consulta l’horloge posée sur le manteau de cheminée de Jim. Cinq heures et quart. Dehors, il faisait encore obscur. Elle avait passé la nuit à s’agiter sous la couette, trop préoccupée par ses pensées pour trouver le sommeil dont elle avait désespérément besoin. Il y avait quelque chose de louche dans cette histoire d’incendies. Un truc qui la turlupinait mais sur lequel elle était incapable de mettre le doigt. Et plus elle y songeait, moins elle y voyait clair.

Elle se redressa. Il n’y avait qu’une solution possible. Elle n’en distinguait pas d’autres. La seule manière de calmer les esprits, c’était d’arrêter le psychopathe qui tourmentait la population et de s’assurer qu’il finisse derrière les barreaux. Le plus tôt serait le mieux. Et tant pis si ça ne plaisait pas au shérif. Certes il n’y avait pas eu de blessés jusqu’ici mais la police tournait en rond ; on ne tenait aucune piste. Si le pyromane continuait sur sa lancée, il ne leur restait que quelques jours pour le démasquer avant qu’il ne frappe encore.

Un souffle chaud lui chatouilla les orteils et son attention se reporta sur le magnifique berger allemand allongé par terre, au pied du canapé. Quand sa brève relation avec Jim s’était terminée, elle avait beaucoup souffert de ne plus voir son chien, auquel elle s’était attachée.

— Merci de veiller sur moi, Columbo.

Elle se pencha en avant et lui gratouilla la tête entre les oreilles.

Darcy observa l’animal et songea que cette bête et elle avaient un peu le même rôle. Les habitants de Lion’s Bay la payaient pour qu’elle veille sur eux et les maintienne à l’abri du danger.

Or elle n’avait pas l’intention de leur faire défaut.

Épisode 2

L’agent Jared Cameron, U.S. Marshal de son état, attendit que le shérif de Lion’s Bay reprenne son souffle au milieu de sa diatribe. Il profita de ce bref répit pour décocher un regard qui en disait long à sa coéquipière, l’agent Morales :

— Trish, ce champion est tout à toi, déclara-t-il, exaspéré.

Sur ces mots, Jared pivota sur ses talons.

Si on lui avait assigné cette partenaire, c’était précisément pour cette raison : Trish avait une patience d’ange alors qu’il en était totalement dépourvu. Surtout quand il avait affaire au shérif d’un petit bled qui montait sur ses grands chevaux et se mettait à pisser partout pour marquer son territoire dès l’instant où les Fédéraux débarquaient.

— Attendez un peu ! aboya le shérif Miller. Je n’ai pas fini. Bon sang, où va-t-il ?!

L’agent Trish reprit la situation en mains, répondant au policier d’une manière beaucoup plus pondérée que son partenaire.

Jared bouillonnait. Ce Miller n’était qu’un imbécile. Il ferait mieux de la fermer et de s’écraser. La Silver Star, cette médaille dont étaient décorés les U.S. Marshals, leur conférait un statut inégalable. Elle leur donnait quasiment tous les droits. Alors ce n’était le shérif d’un trou paumé qui allait lui dicter la loi.

Jared sortit du bureau et referma la porte en verre derrière lui pour ne plus entendre cet âne brailler. Ravalant sa colère, il se dirigea vers la sortie. C’est alors qu’un imprévu le frappa de plein fouet. Une jeune femme apparut à l’entrée du poste de police. Ce fut à peine s’il la remarqua tout d’abord. Son regard la balaya rapidement. Mais quelque chose le poussa à reporter son attention sur elle.

Jared ralentit peu à peu avant de s’arrêter complètement. Cette créature était un vrai canon. Pas au sens purement physique. C’était une femme de taille moyenne, mince et élancée. Elle possédait des formes mais n’était pas plantureuse pour autant. Elle n’était pas maquillée et sa chevelure châtain était nouée en une simple queue-de-cheval. S’il l’avait vue en photo, il ne se serait pas attardé sur elle. Mais en chair et en os, c’était différent. Sa manière de se mouvoir l’intrigua.

Une bombe sexuelle dissimulée dans un emballage ordinaire.

Son secret résidait dans la sensualité et la fluidité de ses mouvements et dans son regard alangui, d’un vert très profond. Guidé par son instinct de mâle, il se sentit irrémédiablement attiré par elle, malgré les avertissements que lui lançait son cerveau – vraiment, le moment était mal choisi pour songer à se distraire. Toutefois, l’uniforme de la jeune femme – pantalon bleu et chemise blanche boutonnée jusqu’au col – lui apprit qu’il serait difficile de l’éviter. Elle travaillait avec la police. Sauf s’il voulait échanger sa place contre celle de Trish, autrement dit se coltiner à nouveau Miller. En fait, il ne lui restait plus qu’à décider quelle partie de son anatomie était la plus maîtrisable : son poing ou son sexe.

Avec un peu de chance, cette sublime madone était heureuse en ménage et mère de deux ou trois enfants. Donc pas le moins du monde disposée à fricoter avec lui.

Quand il l’aborda, elle était en pleine conversation avec la policière du bureau d’accueil. Tout d’abord, c’est à peine si elle lui accorda un regard. Puis elle le jaugea pour le mesurer du sommet du crâne jusqu’à la pointe élimée de ses boots. Leurs yeux se croisèrent et il sut qu’il était fichu.

La voix de la raison le sommait de faire demi-tour sans attendre, quitte à retourner dans le bureau du shérif. Il s’attirerait moins d’ennuis en s’en prenant au chef des autorités locales qu’en affrontant cette personne qui ne le laissait pas de marbre.

— Tenez, le voilà, annonça la policière en le désignant du doigt.

Jared tendit la main et se présenta. À l’instant où sa paume toucha celle de la divine créature, son sang frémit dans ses veines et il fut pris d’une légère érection. Embarrassé, il scruta la main gauche de la jeune femme à la recherche d’une alliance. Constatant qu’elle n’en portait pas, il jura en son for intérieur. Un anneau en or aurait suffi à le décourager.

— Darcy Michaels, répondit-elle d’une voix de fillette. Je travaille avec les pompiers de Lion’s Bay. Je suis l’inspectrice spécialisée dans les incendies.

La jolie policière blonde de l’accueil lui décocha un sourire aguicheur, comme à son arrivée.

— C’est Darcy qui m’a demandé de sortir le dossier sur le pyromane.

Cette blonde correspondait davantage aux femmes avec qui il avait l’habitude de frayer – séduisante et facile, le genre de nana avec laquelle on ne cherche qu’à passer du bon temps, sans plus. En revanche, Darcy Michaels éveillait en lui un sentiment bien plus complexe. Elle lui faisait tourner la tête.

Jared tâcha de se ressaisir et, attrapant l’inspectrice par l’épaule, il la guida vers la sortie.

— Allons-y.

— Vous avez fait vite, Marshal, lança-t-elle une fois dehors.

Sa voix était un mélange entre celle de Marilyn Monroe et celle de Jennifer Tilly[1]. Le matin même, si on lui avait demandé ce qu’il pensait des femmes aux voix trop aigües, il aurait répondu que ça lui tapait sur les nerfs. Darcy Michaels était apparemment l’exception qui confirmait la règle. C’était bien sa veine… Chaque fois qu’elle ouvrait la bouche, des images obscènes lui envahissaient l’esprit.

Plus fort, Jared. Plus profond…

Il contracta les mâchoires.

— Il ne faut pas perdre un instant, rétorqua-t-il, s’efforçant de chasser de sa tête ces pensées impures. Si l’auteur des incendies s’en tient à son schéma habituel, il sévira à nouveau avant la fin de la semaine. De quelle piste disposez-vous jusque-là ?

Elle désigna la caserne de pompiers, un bâtiment de brique rouge situé en bas de la rue.

— Mon bureau est juste là. Vous avez déjà un suspect à l’esprit, n’est-ce pas ? Vous êtes venus parce que vous avez reconnu le mode opératoire du criminel ?

— Disons qu’il nous rappelle étrangement celui d’un pyromane activement recherché.

— Ça fait trois semaines qu’il sévit ici. Que faisait-il avant ? Où était-il il y a un mois ?

— Aucune idée.

Elle fronça les sourcils.

— Il y a eu un intervalle entre ses attaques ? Combien de temps ?

— Vingt ans. Plus ou moins.

Elle s’arrêta net.

— Vous plaisantez ? s’exclama-t-elle.

Elle dégagea son bras du sien et il se renfrogna aussitôt.

— Est-ce que j’en ai l’air ?

— Vous voulez dire que ce criminel est en liberté conditionnelle ?

— Non. C’est un fugitif. Il s’est échappé il y a dix-sept ans. Il a mis le feu aux toilettes pendant une audience en appel et a profité de la confusion pour s’échapper. Depuis, on n’a plus jamais entendu parler de lui. Mais l’agent chargé de l’affaire à l’époque semble avoir reconnu la signature de cet homme. Merkerson ça vous dit quelque chose ?

Le visage de Darcy s’éclaira.

— Merkerson, c’est ça ! Ce mode opératoire me paraissait familier… Il s’est fait connaître bien avant que je ne commence à travailler, mais on a brièvement étudié son profil à la fac. Qu’a-t-il fichu toutes ces années ? Comment a-t-il fait pour disparaître de la circulation de cette manière ?

— Peut-être qu’il s’est fait arrêter sous une fausse identité ou à l’étranger. À moins qu’il n’ait formé un disciple. Peu importe. Nous allons le coincer.

Jared la saisit à nouveau par le coude et l’entraîna vers la caserne.

— Comment ça, peu importe ? Je vous rappelle qu’en trois semaines à peine, il a réussi à semer le chaos dans cette ville.

Il sentit que Darcy était en colère. Et quand on était personnellement impliqué dans une affaire, on ne pouvait pas garder l’esprit clair. Raison de plus pour qu’il ne s’acoquine pas avec elle. Sa présence commençait d’ores et déjà à l’affecter, il le sentait. Alors qu’il était censé se concentrer sur son travail, il ne songeait qu’à lui faire l’amour.

Ils étaient sur le point de traverser la rue en direction de la caserne quand il repéra un snack et décida de l’y conduire.

— J’ai sauté le déjeuner, expliqua-t-il dans l’espoir que ce soit l’hypoglycémie et non pas la testostérone qui lui brouille l’esprit.

— Je viens de manger, répliqua-t-elle. Tant pis, je prendrai un milk-shake.

Un autre point en sa faveur, songea-t-il. Enfin une femme qui ne comptait pas les calories contenues dans les aliments qu’elle enfournait dans sa bouche.

Cette bouche. Jared faillit pousser un grognement en pensant aux autres choses qu’elle pourrait faire avec. Bon sang, il s’égarait ! Lui qui avait souvent eu le sentiment de travailler trop et de ne pas assez en profiter. Eh bien, il en avait à présent la preuve. S’il avait un semblant de bon sens, il se ferait la petite policière blonde, qui n’attendait que ça. Histoire de prendre du bon temps sans s’attirer d’ennuis.

Parvenu au comptoir, Jared attrapa un menu qu’il parcourut rapidement. Le choix était vite fait. Le snack servait un assortiment de hamburgers accompagnés d’une portion de frites et de quelques feuilles de salade, pour se donner bonne conscience.

Une serveuse, la cinquantaine, vêtue d’un uniforme estampillé GINNY au niveau du cœur, s’approcha d’eux avec un calepin à la main et leur adressa un sourire de bienvenue.

— Bonjour Darcy. Tu m’as amené le Marshal à ce que je vois. Je te parie que Miller est en rogne. Il ne supporte pas que des étrangers viennent fourrer leur nez dans ses enquêtes.

— Comment fais-tu pour être au courant de tout ?! s’exclama Darcy, étonnée. Ça fait à peine cinq minutes que j’ai appris que l’U.S. Marshals Service était en ville.

Ginny haussa les épaules.

— Je suis aux premières loges pour tous les scoops. Bienvenue à Lion’s Bay, monsieur l’agent.

— Marshal, corrigea-t-il, reportant ensuite son attention sur le menu. Merci.

— Comment ça va ? demanda Darcy à Ginny sur un ton familier.

— Mieux. Je viens de faire installer un nouveau système de sécurité. Un détecteur de chaleur censé alerter la compagnie en cas de pépin. En plus, j’ai fait vérifier l’état de mon alarme incendie il y a quelques jours. (D’un geste, Ginny indiqua l’énorme dispositif visible depuis le passe-plat de la cuisine.) Tim dit pour plaisanter que si jamais le snack brûle, il profitera de l’argent de l’assurance pour prendre sa retraite. Cette petite remarque lui a valu de dormir sur le canapé cette nuit. Autant te dire que ça ne m’a pas fait rire du tout.

— Oh, Ginny, je suis désolée. Je…

Jared l’interrompit.

— Bonne initiative Ginny. Vous avez pris toutes les précautions nécessaires. Si vos hamburgers sont aussi bons que votre sens de la prévoyance, je vous en commanderai un double.

Son compliment arracha un sourire à la propriétaire des lieux.

— Pour un homme bien charpenté comme vous, il n’en faut pas moins.

— Des suggestions ?

— Tout dépend. Vous aimez les plats pimentés ou doux ?

— Les deux. Et j’ai une faim de loup.

— Alors pour vous ce sera un double cheeseburger BLT avec des frites. Vous voulez toutes les garnitures ?

— Oui. Et deux milk-shakes pour l’inspectrice Michaels. Le parfum qui lui plaira. Le tout à emporter.

Jared paya l’addition, chassant d’un geste de la main le billet de cinq dollars que Darcy lui tendait.

Ginny referma la caisse et s’éloigna pour aller préparer les milk-shakes. Darcy resta plantée là, l’air morose. Jared l’invita à s’installer sur une banquette rouge vinyle près de la vitrine.

— Dites-moi, les agents fédéraux sont souvent appelés en renfort à Lion’s Bay ?

Elle arqua un sourcil et le scruta sans un mot. L’homme des cavernes qui sommeillait en lui décida de relever le défi qu’elle semblait lui lancer. Décidément, cela faisait des lustres qu’une femme n’avait pas piqué son intérêt à ce point.

Elle n’avait pas l’air commode, et tant mieux d’ailleurs. Car quand il s’étendrait sur elle, il n’aurait pas l’intention d’y aller de main morte…

Merde. Qu’est-ce qui lui prenait ? Il fallait vraiment qu’il se reprenne. Il jouait avec le feu.

— Ils ne sont venus qu’une seule fois, répondit-elle.

— Quand ça ?

— Il y a trois ans.

— Pourquoi ?

Elle hésita une seconde ; Jared tiqua.

— Un meurtre. Une habitante qui s’était fait assassiner.

— Et pourquoi cette affaire a-t-elle nécessité l’intervention des Fédéraux ?

La jeune femme pinça les lèvres ; son regard se durcit de manière surprenante.

— Ne me fusillez pas du regard, Darcy. C’est une question pertinente. Les Fédéraux ont d’autres chats à fouetter. D’ordinaire, ils ne s’occupent pas des meurtres qui surviennent dans un trou perdu.

Elle poussa un bref soupir.

— Le mode opératoire du meurtrier correspondait à celui d’un tueur en série qu’ils recherchaient.

Dès l’instant où Darcy avait posé les yeux sur Jared Cameron, au poste de police, elle avait su qu’il allait mettre sa petite vie bien rangée sens dessus dessous.

En apercevant ce bel et sombre inconnu, sa mâchoire avait failli se décrocher. Il l’avait dare-dare entraînée dans la rue en l’attrapant par le bras. Au contact de sa main, une onde de frissons l’avait parcourue. À présent, il était assis en face d’elle dans toute la gloire de sa virilité. Il était à tomber. Sa mère l’aurait comparé à « une gorgée d’eau fraîche », mais Darcy l’aurait contredite. Car chaque fois qu’elle croisait son regard, elle avait la gorge sèche. Et bien qu’ils soient au beau milieu d’une discussion d’ordre professionnel, il la dévorait des yeux comme s’il allait la déshabiller et lui faire l’amour sur-le-champ.

Dieu du ciel, elle avait envie de lui elle aussi. C’était instinctif. Impossible d’y résister. Avec ses manières brusques et son caractère revêche, elle l’imaginait volontiers la prendre jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus. Du sexe à l’état pur. Leurs deux corps en nage, leurs souffles haletants. Cet homme dégageait une énergie à laquelle Darcy avait immédiatement succombé. Il avait fallu cette rencontre pour qu’elle prenne conscience qu’elle avait cessé de vivre depuis quelques années. Une aventure sans lendemain, c’était exactement ce qu’il lui fallait pour se remettre en selle.

— Un tueur en série ? Lequel ? demanda le Marshal d’une voix envoûtante.

Il repoussa une mèche noire de son visage d’un geste nonchalant, et elle ne put s’empêcher de remarquer les veines qui couraient le long de son avant-bras puissant. Il était parfaitement bâti à son goût – mince et élancé, musclé et pas le moins du monde épais.

— Un type originaire du Midwest qui inscrivait des symboles mayas sur le torse de ses victimes.

— Le Prophète. (Jared se pencha en avant sur la table.) Il effectuait un compte à rebours jusqu’au jour du Jugement Dernier. Un grand malade.

Elle haussa un sourcil.

— C’est votre opinion professionnelle ?

— Non. À ce titre, j’estime que c’était un détraqué.

Darcy esquissa un sourire presque imperceptible. Jared Cameron avait beau être brut de décoffrage, sa présence la rassurait. Ce n’était pas le genre d’homme à se laisser marcher dessus.

— Écoutez, dit-il en tambourinant des doigts sur la table. Je vous ai observée. Cessez de vous sentir responsable de ces incendies.

— Ce n’est pas le cas.

— Vous mentez. Votre amie Ginny vous décrit les mesures qu’elle a mises en place pour protéger sa boutique et vous vous empressez de vous excuser comme si c’était votre faute.

Darcy vit rouge.

— Vous êtes dans une petite ville, Marshal. Ici, les gens ne roulent pas vraiment sur l’or. Elle a dépensé une fortune…

— Mon prénom, c’est Jared. Utilisez-le.

— Vous êtes vraiment charmant, ironisa-t-elle.

— Vous n’aimeriez pas que je le sois ; et puis nous ne sommes pas là pour nous conter fleurette mais pour parler boulot.

— Comment pouvez-vous savoir ce que j’aimerais ?

— Parce que nous sommes pareils. Nous voulons la même chose. (Il baissa la voix et ajouta :) Vous m’excitez tellement que je bande depuis que j’ai posé les yeux sur vous.

Une bouffée de chaleur monta en elle comme si elle était soudain en proie à une poussée de fièvre. Aucun homme ne lui avait jamais parlé si crûment. C’était exaltant. Jared Cameron employait-il de tels mots quand il faisait l’amour ? Elle l’imagina lui susurrant des paroles obscènes durant l’acte et fut saisie de délicieux frissons. De ce fait, elle voulut l’encourager à poursuivre.

— Et qu’est-ce que nous voulons au juste, Marshal ?

Son expression demeura impénétrable. Au bout de quelques instants, un sourire canaille lui étira le coin des lèvres et une flamme apparut dans son regard.

— Vous voulez qu’on vous baise si fort que vous serez obligée de vous cramponner au matelas. Quant à moi, je veux vous prendre, vous posséder et me vider en vous jusqu’à la dernière goutte.

Darcy s’affala contre le dossier de la banquette et porta les mains à sa gorge.

Son entrecuisse palpitait avec frénésie ; elle était trempée. Elle connaissait cet homme depuis moins de vingt minutes, mais elle eut soudain envie de le connaître davantage.

— Vous avez gagné. Je finis à dix-huit heures.

Les narines de l’agent se dilatèrent. Son visage empreint de désir parut soudain beaucoup plus anguleux. Ses pommettes ressortirent et sa bouche se crispa. C’était sans doute le plus bel homme qu’elle ait jamais vu.

— Je vais sûrement m’en mordre les doigts, marmonna-t-il.

Sa remarque enhardit Darcy. Il avait tellement envie d’elle qu’il n’avait pas la force de lui dire non. Et elle réagit comme n’importe quelle femme portée sur la chose face à un homme désirable. Elle le provoqua.

À son tour, elle se pencha en avant et chuchota :

— Non, vous ne le regretterez pas. Quand j’en aurai fini avec vous, vous aurez la tête qui tourne.

— Seigneur.

Une légère grimace lui déforma les traits et il remua le bassin sur la banquette pour ajuster son jean soudain trop serré.

— Revenons-en à nos moutons, déclara-t-elle, triomphante. Ginny a dépensé l’argent qu’elle n’a sans doute pas dans un système de sécurité qui ne servira à rien. Vous savez comment procède Merkerson. S’il décide de s’en prendre à cet endroit, il le fera en plein jour, juste sous son nez.

Puis, une fois le snack fermé pour la nuit et les rues désertes, la petite bombe à retardement sournoise exploserait et les flammes engloutiraient le bâtiment en un rien de temps.

— Vous l’avez entendue comme moi, argumenta Jared. Ça la rassure. Et que cette alarme soit efficace ou non, elle a eu la bonne réaction.

— C’est mon travail de tranquilliser les habitants de cette ville. Or elle avait l’air tout sauf sereine.

— Certes. (Il vrilla ses yeux aux siens.) Vous croyez également que les gens devraient dormir en laissant leur porte ouverte parce qu’il existe des lois ?

— Ce n’est pas comparable.

Le premier incendie avait horrifié les habitants, toutefois ils avaient compté sur elle pour résoudre le problème. Le deuxième n’avait évidemment rien arrangé, pourtant la population croyait dur comme fer que l’arrestation du coupable était imminente. Au troisième, les gens avaient cessé de s’en remettre aux autorités pour assurer leur sécurité, et ils avaient commencé à prendre leurs propres dispositions afin de défendre leurs biens.

— Reprenez-vous, Darcy. À moins que vous n’ayez falsifié les preuves et les résultats d’analyses, vous n’avez rien à vous reprocher dans cette histoire. Vous avez rempli votre devoir et vous avez eu raison de nous appeler quand vous avez estimé que ça devenait nécessaire. Alors, soyez un peu fière de votre travail et soutenez ceux qui veulent avancer et non pas ceux qui regardent en arrière.

— Je ne suis pas sûre de vous apprécier.

— Rien ne vous y oblige. Restons simples.

Elle hocha la tête en signe d’acquiescement. Après tout, si elle était prête à avoir une aventure avec lui, c’était parce qu’il était de passage. Du sexe, rien que du sexe, voilà qui lui convenait parfaitement. À ce stade de sa vie, elle n’était pas capable de s’engager dans une véritable relation.

— Je suis tout à fait d’accord.

Ginny revint avec leur commande. Avant même qu’elle ait atteint leur table, Jared se leva.

— Allons-y. Nous avons beaucoup de pain sur la planche d’ici à dix-huit heures.

Jared posa le sachet sur le bureau de Darcy et parcourut la pièce du regard. Il en sortit une boîte en polystyrène tout en songeant à prendre la jeune femme sur la longue table pliante placée sous la fenêtre qui donnait sur le garage de la caserne. Malheureusement, le meuble ne paraissait pas assez résistant ; et puis ce ne serait pas du tout professionnel – même si un petit coup vite fait l’aiderait à se concentrer à nouveau. Le bureau ne lui disait rien qui vaille non plus, avec son plateau en verre ultramoderne en équilibre sur une paire de tréteaux en chrome.

— Au fait, ne faites pas attention à Miller. Il est moins hargneux qu’il n’en a l’air. Il aboie mais il ne mord pas.

La jeune femme se pencha près de lui pour récupérer son milk-shake. Il en profita pour humer son parfum. Elle sentait bon le propre.

Le shérif avait environ trente-cinq ans et il avait visiblement une inclination pour la gonflette. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne l’impressionnait pas. Jared avait passé six ans au sein de la Delta Force[2] avant de rejoindre le groupe d’opérations spéciales de l’U.S. Marshals Service. À ce titre, c’était une véritable machine à tuer. Pas un seul homme au monde ne lui faisait peur.

— Je laisse ma coéquipière se charger de Miller. Elle a beau avoir envie de le zigouiller, elle saura se maîtriser.

Il mordit à pleines dents dans son hamburger et s’installa dans l’un des deux sièges disposés face au bureau.

— Bordel de merde, marmonna-t-il, la bouche pleine.

La paille entre les lèvres, Darcy esquissa un sourire.

— C’est délicieux, hein ?

Il avala sa bouchée.

— À faire damner un saint.

C’était presque aussi bon que de la voir sourire. « Quand j’en aurai fini avec vous, vous aurez la tête qui tourne, » avait-elle dit. Le pire, c’est qu’il était tenté de la croire. Elle le menait par le bout du nez sans même avoir besoin de lever le petit doigt.

Darcy contourna le bureau et ouvrit le tiroir du haut du meuble de rangement. Derrière elle, un pan de mur entier recouvert d’étagères en verre. Soit la ville investissait une grosse somme d’argent pour le confort de ses fonctionnaires, soit elle avait mis la main à la poche pour décorer son bureau. Il aurait eu tendance à penser que la table pliante métallique était fournie par la ville. Le classeur à tiroirs ordinaire également. Mais les étagères et le bureau assortis, c’était elle tout craché – forts, accrocheurs, et sexy. Et ce petit plaisir qu’elle s’était octroyé signifiait qu’elle passait beaucoup de temps dans cette pièce, à travailler… à moins qu’elle ne se sente plus à l’aise ici que chez elle.

Sur l’une des tablettes était posé un cadre argenté. Il contenait une photo d’elle plus jeune en uniforme de pom-pom girl, les bras noués autour du cou d’une fille qui était son exacte réplique et portait un costume de fanfare.

— Vous avez une jumelle ?

Darcy referma le tiroir d’un coup sec et alla se placer derrière le bureau, posant trois dossiers sur le plateau en verre.

— Oui.

Il se demanda si sa sœur était comme elle. Peut-être Darcy était-elle la mutine. Cette pensée raviva son désir et son sexe trop zélé se durcit à nouveau.

— Vous voulez qu’on commence par le premier incendie ? demanda-t-elle, changeant brutalement de sujet.

Il se remit à mâcher et acquiesça en silence, mais à vrai dire il était légèrement agacé qu’elle ne se soit pas livrée un peu plus. C’était sans doute stupide de sa part de le prendre si mal. C’était Darcy qui avait raison. S’ils voulaient garder les choses simples entre eux, il fallait qu’ils restent sur un terrain neutre ; autrement dit, il valait mieux qu’ils évitent d’échanger des informations trop personnelles. Il ferait mieux de se réjouir qu’elle soit sur la même longueur d’onde que lui.

Darcy saisit le dossier du dessous, l’ouvrit, et étala les photographies avec précaution sur son bureau. À l’exception d’un étrange pot à crayons et d’une boîte en métal rouge, rien ne venait encombrer la surface immaculée du plan de travail.

Jared mâchouilla une frite croustillante tout en examinant les images du premier site. Darcy se mit à lui décrire les circonstances de l’incendie.

— Le feu s’est déclaré aux alentours de vingt-deux heures. Le propriétaire avait fermé les lieux à vingt heures. Il a débuté là, précisa-t-elle en indiquant la troisième photo, dans le couloir qui mène aux toilettes.

— Il s’agissait d’un bâtiment en brique ? s’enquit-il en étudiant les clichés des décombres.

— Oui. Le studio de danse Florinda’s s’était installé dans l’ancienne caserne de sapeurs-pompiers, après que le conseil municipal ait décidé de transférer tous les services de fonction ici-même et d’en faire le centre-ville.

Darcy tira une autre photo du dossier, un gros plan bordé d’une règle, qu’elle plaça sous ses yeux.

— Vous voyez ces copeaux en aluminium ? Les analyses ont révélé la présence de phosphore blanc. Il est fort probable que la bombe à l’origine de l’incendie ait été planquée dans une cannette jetée dans une poubelle.

— Intéressant.

— Vous savez ce que je trouve intéressant ? (Elle posa les paumes à plat sur le bureau et se pencha en avant.) Un pyromane qui choisit de s’en prendre à un bâtiment en brique. Certaines constructions à Lion’s Bay datent de plus d’un siècle. De bonnes vieilles structures en bois à bardeaux qui s’embraseraient en un éclair dans des quartiers où le feu se propagerait en un rien de temps.

— Se pourrait-il qu’il s’agisse d’une arnaque à l’assurance ?

— Auquel cas les autres feux serviraient à détourner l’attention ? Non, la petite bombe à l’origine des incendies est trop sophistiquée pour qu’il s’agisse de l’œuvre d’un amateur. Notre homme est un pro.

— Poursuivez.

— Le bâtiment numéro deux était un vieux refuge pour animaux, principalement constitué de béton.

Darcy réunit les photos du premier dossier en une pile nette avant d’attraper la deuxième chemise. Elle disposa soigneusement la nouvelle série de clichés sur le bureau.

— C’est un endroit très isolé, entouré de végétation. Ça aurait pu très mal se terminer s’il n’avait pas plu abondamment pendant les quelques jours qui ont précédé le feu.

Jared approcha une des photos de son visage pour l’examiner de plus près.

— Vous avez reçu un appel anonyme pour cet incendie-là ?

— Oui.

Une fois qu’il eut fini d’étudier les images, elle les rangea et lui montra celles du feu le plus récent.

— Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? demanda-t-il en scrutant les formes indescriptibles alignées le long des murs.

— Un magasin de friandises. Les objets étranges que vous voyez là, ce sont les bacs en plastique où étaient stockés les bonbons. La boutique est attenante à une bijouterie fantaisie. L’alarme incendie très récente nous a permis d’intervenir dans les plus brefs délais. Quant à la bijouterie, elle n’a subi que de légers dommages.

Jared referma la boîte en polystyrène vide, se leva, et s’approcha de la carte accrochée au mur. Trois lieux étaient indiqués par des flèches rouges.

— Ce sont les sites des incendies ?

— Oui.

Il l’entendit ranger les dossiers tandis qu’il examinait les lieux en apparence choisis de manière aléatoire. Différentes zones de la ville. Différents commerces. Il aspira le fond de son milk-shake, le meilleur qu’il ait jamais goûté, et dit :

— Allons faire un tour au studio de danse.

— Ça fait trois semaines. Vous ne trouverez plus aucun indice.

— Ce ne sont pas les indices que nous recherchons. (Il croisa son regard.) Le coupable a vu en ces cibles quelque chose que nous ne discernons pas. Si nous voulons entrer dans sa tête et anticiper ses prochaines actions, nous devons comprendre pourquoi il est attiré par ces endroits en particulier.

— J’ai tout étudié dans les moindres détails. Je n’ai rien trouvé.

— Un regard neuf ne fait jamais de mal.

C’est alors qu’il prit conscience qu’elle n’avait pas envie de retourner sur les lieux. Il se demanda pourquoi et songea qu’une fois sur place, il découvrirait peut-être les causes de sa réticence.

Soudain, une voix d’homme s’éleva dans la pièce.

— Salut.

Jared pivota vers la porte restée ouverte ; un type s’appuyait avec nonchalance contre l’encadrement. Il portait le même uniforme que celui de Darcy : chemise blanche et pantalon bleu marine. Sauf qu’il arborait quelques écussons en plus sur les manches ainsi qu’une cordelette dorée.

— Salut Jim.

Darcy fit les présentations.

James Ralston, l’inspecteur en chef chargé des incendies, bomba le torse et serra la main de Jared en le jaugeant de pied en cap.

— Je viens d’apprendre que Darcy avait appelé la cavalerie à la rescousse. J’espère que vous allez nous aider à coincer ce salopard.

— J’y travaille.

— Tu veux prendre la relève ? demanda Darcy. L’agent Cameron souhaite visiter le studio de danse. Tu lui seras plus utile que moi.

— Ne t’en fais pas, ça va aller. Tu feras très bien l’affaire, répliqua Ralston en posant un regard compatissant sur Darcy. De toute façon, je ne peux pas. Le maire m’a demandé de contrôler à nouveau tous les bâtiments publics dans le cadre d’un programme de révision complet des systèmes d’alarme.

— La panique se propage, marmonna-t-elle en sortant un trousseau de clés de sa poche. Surtout, ne te laisse pas faire, hein ? Ils seraient capables de te forcer à travailler toute la nuit.

— Ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention de m’écraser. Par contre, je risque de rentrer tard. Tu as la clé au cas où je ne serais pas à la maison.

Elle secoua la tête.

— Merci Jim, mais ça va aller. Je vais dormir chez moi.

Ralston fronça les sourcils.

— Tu en es sûre ?

— Ne t’en fais pas pour moi. Tout va bien.

— Comme tu le sens. À demain.

L’inspecteur en chef s’en alla. Après son départ, Jared demeura crispé.

— Vous ne trouvez pas qu’il est un peu vieux pour vous ?

Darcy, qui contournait son bureau, se figea.

— Je vous demande pardon ?

— Il a quoi ? Quarante ? Quarante-cinq ans ?

— Je n’ai pas envie d’en parler avec vous, rétorqua-t-elle en passant devant lui sans s’arrêter.

Son ton revêche l’excita au plus haut point. Lui qui avait enfin réussi à se concentrer sur son travail… Mais il avait fallu que Jim Ralston fasse son entrée et foute tout en l’air en voulant marquer son territoire.

Jared emboîta le pas à la jeune femme.

— C’est fini depuis longtemps entre vous ?

— Très longtemps.

— Pour vous peut-être. Mais pas dans sa tête en tout cas.

— Ce ne sont pas vos oignons.

Elle emprunta la porte de service qui donnait sur le parking et se dirigea vers un pick-up, propriété de la municipalité, dont la portière arborait l’emblème de la caserne et le toit un gyrophare.

— Il m’a soutenue à une période difficile de ma vie. Ça n’a jamais été sérieux entre nous et voilà presque deux ans que c’est fini. Même si tout ça ne vous regarde pas.

— Comment ça, ça ne me regarde pas ? dit-il en ouvrant brutalement la portière du côté passager. Si ce mec représente un obstacle, j’ai le droit de le savoir.

— Jim n’est pas un problème. Laissez tomber.

— Quand il vous a proposé de dormir chez lui, j’avais l’impression d’être face à un chien qui levait la patte pour marquer son territoire.

Ils échangèrent un regard.

— Ma vie personnelle ne vous concerne pas. Vous n’avez aucun droit sur moi. On va potentiellement passer du bon temps ensemble, un point c’est tout. Et franchement, rien n’est moins sûr en ce moment.

— Ah bon ? C’est comme ça que vous voulez la jouer ?

Il consulta brièvement sa montre, se glissa sur le siège passager et claqua la portière. Il était seize heures quarante.

— En route, dit-il.

[1] Actrice américaine qui prête sa voix de petite fille à de nombreux personnages animés à succès. (N.d.T.)

[2] La « Delta Force » est une unité des forces spéciales américaines appartenant à l’U.S. Army. (N.d.T.)

Browse Sylvias International Editions:

View Titles Sorted by Country · View Titles Sorted by Language