Sylvia Day
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Feb 18, 2015  •  J'ai Lu  •  978-2290098639

French Excerpt

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Épisode 1

La morsure glaciale de la douche sur ma peau brûlante chassa les derniers vestiges d’un cauchemar dont je n’arrivais pas à me souvenir vraiment.

Je fermai les yeux et me plaçai directement sous le jet dans l’espoir que la frayeur et la nausée disparaîtraient dans la bonde en même temps que le tourbillon d’eau qui se formait à mes pieds. Un frisson me secoua, et mes pensées se tournèrent vers ma femme. Mon ange qui dormait paisiblement dans l’appartement voisin. J’avais tellement besoin d’elle, j’aurais tant voulu me perdre en elle, mais je ne le pouvais pas. Non, je ne pouvais ni la serrer dans mes bras ni attirer son corps voluptueux sous le mien pour m’y enfouir et laisser ses caresses effacer les mauvais souvenirs.

— Merde.

Les mains plaquées contre le carrelage, j’encaissais le déluge punitif qui me pénétrait jusqu’aux os. Je n’étais qu’un sale égoïste.

Si j’avais été un type bien, je me serais détourné d’Eva à la seconde où je l’avais vue pour la première fois.

Au lieu de quoi, je l’avais épousée. Et j’aurais voulu que la nouvelle de notre mariage soit annoncée par tous les médias de la planète plutôt que d’être un secret partagé par une poignée de gens. Le pire, puisque que je n’avais pas l’intention de lui rendre sa liberté, c’était que j’allais devoir trouver le moyen de garder tapis en moi les démons qui me hantaient au point de m’empêcher de dormir dans la même chambre qu’elle.

Une fois débarrassé de la sueur de mon cauchemar, j’enfilai un pantalon de jogging et gagnai la pièce qui me servait de bureau. Il était à peine 7 heures du matin.

Deux heures plus tôt, j’avais quitté l’appartement qu’Eva partageait avec son meilleur ami, Cary Taylor, pour lui permettre de dormir quelques heures avant d’aller travailler. Nous nous étions aimés toute la nuit, l’un et l’autre trop fébriles et trop avides. Il y avait eu autre chose aussi. J’avais senti chez elle une nécessité pressante qui m’avait mis mal à l’aise et dont le souvenir me rongeait.

Quelque chose la tourmentait.

Mon regard s’attarda sur Manhattan, qui se déployait devant moi, puis se posa sur le mur nu. Des photos d’Eva et de nous deux occupaient ce même espace dans le bureau de notre appartement commun de la Cinquième Avenue. Ces derniers mois, j’avais passé tant d’heures à les regarder que je me les représentais clairement. À une époque, contempler la ville avait été le moyen de donner corps à mon univers. Aujourd’hui, c’était en regardant Eva que j’y parvenais.

Je m’assis à mon bureau, relançai l’ordinateur d’une secousse sur la souris et retins mon souffle quand le visage de ma femme emplit l’écran. Elle n’était pas maquillée et le semis de taches de rousseurs qui couvrait son nez la faisait paraître plus jeune que ses vingt-quatre ans. Mon regard caressa ses traits – la courbe de ses sourcils, l’éclat de ses yeux gris, la plénitude de ses lèvres. Il me suffisait de penser à ses lèvres pour les sentir sur ma peau. Ses baisers étaient une bénédiction, la promesse que la vie valait d’être vécue.

Je décrochai le téléphone avec un soupir et appelai Raul Huerta. Malgré l’heure matinale, il répondit aussitôt.

— Mme Cross et Cary Taylor se rendront à San Diego aujourd’hui, annonçai-je, mon poing se crispant à cette idée.

Je n’eus pas besoin d’en dire davantage.

— Entendu.

— Je veux une photographie récente d’Anne Lucas et le compte rendu détaillé de sa soirée d’hier sur mon bureau pour midi.

— Ce sera fait, affirma-t-il.

Je raccrochai et me perdis de nouveau dans la contemplation du visage fascinant d’Eva. J’avais pris cette photo par surprise, dans un moment de bonheur, et j’étais déterminé à la rendre heureuse jusqu’à la fin de ses jours. La veille, pourtant, elle avait cru apercevoir une femme que j’avais autrefois utilisée, et cette vision l’avait perturbée. Cela faisait longtemps que je n’avais pas croisé Anne mais, si elle était responsable de la contrariété de ma femme, elle n’allait pas tarder à me revoir.

Je me décidai finalement à consulter ma messagerie et rédigeai les brèves réponses requises par les mails que j’y trouvais.

Je sentis Eva avant de la voir.

Je levai les yeux et la course de mes doigts sur le clavier ralentit. Une soudaine bouffée de désir apaisa l’agitation qui me gagnait chaque fois que j’étais loin d’elle.

Je me renversai contre le dossier de mon fauteuil pour mieux savourer la vision qu’elle offrait.

— Tu es bien matinale, mon ange.

Eva se tenait sur le seuil, son trousseau de clefs à la main. Sa chevelure blonde emmêlée retombait en une vague sensuelle sur ses épaules, ses joues et ses lèvres étaient encore toute roses de sommeil, un débardeur et un short moulaient son corps aux courbes voluptueuses. Elle ne portait pas de soutien-gorge. Pas très grande, elle avait tout ce qu’il fallait pour mettre un homme à genoux. Elle me faisait souvent remarquer à quel point elle était différente des femmes que j’avais connues avant elle.

— Tu m’as manqué quand je me suis réveillée, répondit-elle de cette voix un peu enrouée qui ne manquait jamais de me faire bander. Depuis combien de temps es-tu levée ?

— Pas très longtemps.

Je repoussai la tablette du clavier pour lui faire de la place.

Elle s’approcha, pieds nus, me séduisant involontairement. La première fois que je l’avais vue, j’avais su d’emblée qu’elle allait faire dérailler le cours de ma vie. C’était là, dans son regard, dans sa démarche. Partout où elle allait, les hommes la dévoraient des yeux. Comme je le faisais à cet instant précis.

Je l’attrapai par la taille, l’attirai sur mes genoux, et inclinai la tête pour aspirer entre mes lèvres la pointe d’un sein que je suçai avidement. Son petit cri étouffé accompagné d’un frisson de plaisir me fit sourire intérieurement. Je pouvais lui faire tout ce que je voulais. Elle m’avait donné ce droit. C’était le plus beau des cadeaux qu’on m’ait jamais faits.

— Gideon, murmura-t-elle en plongeant les mains dans mes cheveux.

Je me sentais déjà infiniment mieux.

Je relevai la tête, l’embrassai et, sous le parfum à la cannelle de son dentifrice, débusquai cette saveur unique, ce petit goût magique qui n’appartenait qu’à elle.

Elle me caressa le visage, et son regard fouilla le mien.

— Tu as encore fait un cauchemar ?

Un soupir m’échappa. Elle avait toujours lu facilement en moi. Je n’étais pas certain de m’y habituer un jour.

Je caressai son sein, là où ma bouche avait laissé une trace humide sur le tissu de son débardeur.

— Je préfèrerais parler des rêves érotiques que tu m’inspires.

— De quoi as-tu rêvé ?

Je pinçais les lèvres, agacé par son insistance.

— Je ne m’en souviens pas.

— Gideon…

— Laisse tomber, mon ange.

— Je veux juste t’aider, répliqua-t-elle.

— Tu sais ce qu’il faut faire pour cela.

— Obsédé, pouffa-t-elle.

Je resserrai mon étreinte. Incapable de trouver les mots pour décrire ce que je ressentais quand je la tenais dans mes bras, je me contentai d’effleurer son cou du bout du nez et d’inhaler le délicieux parfum de sa peau.

— Tu sais, champion…

Quelque chose dans son ton m’alarma. Je m’écartai lentement et scrutai son visage.

— Dis-moi.

— À propos de San Diego…

Elle baissa les yeux, se mordit la lèvre inférieure.

Je me figeai, attendant la suite.

— Les Six-Ninth seront là-bas, lâcha-t-elle finalement.

Elle n’avait pas essayé de me cacher ce que je savais déjà, et ce fut un soulagement. Pourtant, presque aussitôt, je me tendis de nouveau.

— À t’entendre, on dirait que c’est un problème, observai-je d’un ton posé, alors que j’étais tout sauf calme.

— Non, ce n’en est pas un, murmura-t-elle.

Ses doigts se crispèrent dans mes cheveux.

— Ne me mens pas.

— Je ne te mens pas.

Elle inspira profondément, puis, soutenant mon regard, elle ajouta :

— J’ai l’impression que quelque chose ne tourne pas rond et… je suis troublée.

— Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?

— Ne fais pas cela, m’avertit-elle doucement. Ne me repousse pas par ta froideur.

— Tu voudras bien m’excuser si entendre ma femme dire qu’elle est « troublée » à cause d’un autre homme ne me met pas de bonne humeur.

Elle se dégagea de mon étreinte et je ne la retins pas. Je voulais qu’il y ait une certaine distance entre nous pour l’observer – l’évaluer.

— Je ne sais pas comment expliquer cela.

J’ignorai délibérément le nœud froid qui me comprimait les entrailles.

— Essaie.

— Je crois que…

Elle s’interrompit, baissa de nouveau les yeux en se mordillant la lèvre.

— … qu’il y a quelque chose… d’inachevé.

Ma poitrine se contracta.

— Il te plaît toujours, Eva ?

— Ce n’est pas cela, riposta-t-elle.

— C’est quoi alors ? Sa voix ? Ses tatouages ? Sa baguette magique ?

— Arrête, tu veux ? Ce n’est pas facile d’en parler. Ne rends pas les choses plus difficiles.

— Figure-toi que ce n’est pas facile pour moi non plus, rétorquai-je en me levant.

Je la déshabillai du regard, saisi d’une soudaine envie de la baiser et de la punir en même temps. De l’attacher, de l’enfermer, de la garder à l’abri de quiconque menacerait l’emprise que j’avais sur elle.

— Il t’a traitée comme une merde, Eva. C’est cette vidéo de Golden qui te l’a fait oublier ? Tu as besoin de quelque chose que je ne te donne pas ?

— Ne sois pas ridicule.

Elle croisa les bras – une attitude défensive qui ne fit qu’attiser ma colère.

Je la voulais douce et ouverte. Je la voulais toute à moi. J’enrageais parfois de découvrir à quel point sa présence m’était vitale. L’idée de la perdre m’était intolérable. Et elle était en train de me dire la seule chose que je ne supportais pas d’entendre.

— Je t’en prie, ne sois pas odieux, souffla-t-elle.

— Je me comporte de façon remarquablement civilisée, vu la rage que j’éprouve en ce moment.

— Gideon.

La culpabilité assombrit son regard, puis des larmes roulèrent sur ses joues. Je détournai les yeux.

— Ne pleure pas !

Mais elle lut en moi, comme toujours.

— Je ne voulais pas te faire de peine.

Les diamants de son alliance – preuve qu’elle m’appartenait – accrochèrent la lumière, projetant sur les murs l’éclat démultiplié de leurs feux.

— Je ne supporte pas de te bouleverser ou de te mettre en colère, poursuivit-elle. Cela me fait aussi mal qu’à toi, Gideon. Je n’ai pas envie de lui. Je te le jure.

Je m’approchai de la fenêtre, tâchant de puiser en moi le calme nécessaire pour affronter la menace que représentait Brett Kline. Nous avions échangé un serment de mariage, j’avais passé une alliance à son doigt. Je me l’étais attachée de toutes les façons possibles. Et pourtant, cela ne suffisait pas.

De hauts bâtiments me bouchaient l’horizon. Depuis mon penthouse, on voyait à des kilomètres, mais ici, dans cet appartement de l’Upper West Side que j’avais pris pour vivre près d’elle, la vue était limitée. Ni le ruban sinueux des rues encombrées de taxis ni les rayons du soleil se reflétant sur les fenêtres des gratte-ciels n’étaient visibles.

J’aurais pu donner tout New York à Eva. J’aurais pu lui donner le monde entier. Je ne pouvais l’aimer davantage ; l’amour que j’éprouvais pour elle me consumait. Et pourtant, un crétin surgi de son passé s’évertuait à me supplanter dans son cœur.

Je la revoyais dans les bras de Brett Kline, l’embrassant avec un désespoir que moi seul aurais dû lui inspirer. La pensée qu’elle puisse encore avoir envie de ce type me donnait envie de casser quelque chose.

Je serrai les poings à me faire mal.

— Essaies-tu de me dire qu’il est temps de faire un break ? D’autoriser Kline à clarifier ton trouble ? Parce que, dans ce cas-là, je pourrais aussi aider Corinne à clarifier le sien.

À la mention du nom de mon ex-fiancée, je l’entendis inspirer.

— Tu es sérieux?

Un silence – affreux –, puis :

— Tu peux être fier de toi, abruti. Tu viens de me blesser comme jamais Brett n’y est parvenu.

Je me retournai à temps pour la voir quitter la pièce, le dos raide. Le trousseau de clefs qui lui permettait d’entrer chez moi gisait sur mon bureau et cette vision déclencha en moi un élan désespéré.

— Arrête.

Je la rattrapai et elle se débattit. Une dynamique familière entre nous – Eva prenant la fuite, moi lui courant après.

— Laisse-moi !

Je fermai les paupières et pressai mon visage contre le sien.

— Il ne t’aura pas. Je ne le permettrai pas.

— Tu m’énerves tellement que je pourrais te frapper.

J’eus envie qu’elle le fasse. Qu’elle me fasse mal.

— Vas-y.

Elle m’agrippa les bras.

— Lâche-moi, Gideon.

Je la retournai et la plaquai contre le mur du couloir.

— Comment suis-je censé réagir quand tu m’avoues que Brett Kline te trouble ? J’ai l’impression de me retrouver suspendu au bord d’une falaise, Eva, et d’être en train de lâcher prise.

— Et tu crois que c’est en me faisant mal que tu éviteras de tomber dans le vide ? répliqua-t-elle. Pourquoi refuses-tu d’admettre que je n’ai pas l’intention d’aller voir ailleurs ?

Je la foudroyai du regard et me creusai la cervelle pour trouver la formule magique qui arrangerait tout entre nous. Sa lèvre inférieure se mit à trembler et je… je fondis.

— Dis-moi comment gérer cela, soufflai-je en me laissant aller contre elle, mes mains lui enserrant les poignets. Dis-moi quoi faire.

— Comment me gérer ? répondit-elle en me repoussant d’un coup d’épaules. Parce que c’est de moi que vient le problème. J’ai connu Brett à une époque où je ne supportais pas d’être dans ma peau et que j’avais désespérément besoin d’être aimée. Aujourd’hui, Brett se comporte comme je rêvais qu’il le fasse à cette époque-là. Et, oui, ça me prend la tête.

— Bon sang, Eva, grondai-je en me pressant de nouveau contre elle, comment veux-tu que je ne me sente pas menacé quand j’entends cela ?

— Tu es supposé me faire confiance. Je t’en ai parlé parce que je ne voulais pas qu’il y ait de malentendu entre nous. Parce que je ne voulais surtout pas que tu te sentes menacé. Je sais que j’ai encore des trucs à éclaircir dans ma tête. Je dois voir le Dr Travis ce week-end et j…

— Les psys n’ont pas réponse à tout !

— Ne crie pas sur moi.

Je luttai contre une furieuse envie de flanquer un coup de poing dans le mur. La foi aveugle de ma femme dans les vertus curatives de la thérapie me mettait hors de moi.

— On ne fonce pas chez le psy chaque fois qu’on rencontre un problème. C’est de toi et de moi qu’il s’agit, et de notre mariage. Pas de la communauté psychiatrique !

Elle leva le menton, affichant cette détermination farouche qui me rendait dingue. Elle ne cédait jamais un pouce de terrain tant que mon sexe n’était pas en elle. Alors seulement, elle s’avouait vaincue.

— Tu crois peut-être que tu n’as pas besoin d’aide, champion, mais tu te trompes.

— C’est de toi que j’ai besoin, répondis-je en encadrant son visage de mes mains. De ma femme. Et j’ai aussi besoin de savoir qu’elle pense à moi et pas à un autre !

— J’en viendrais presque à regretter de m’être confiée à toi.

— Je savais déjà ce que tu ressentais, répondis-je avec un sourire supérieur. Tu ne peux rien me cacher.

— Tu es vraiment d’une jalousie maladive… soupira-t-elle avant de laisser fuser un gémissement ténu. Pourquoi n’arrives-tu pas à comprendre à quel point je t’aime ? Tu n’as rien à envier à Brett. Rien. Mais franchement, là, tout de suite, je n’ai pas envie d’être près de toi.

Elle tenta de se dégager et je m’accrochai à elle comme si ma vie en dépendait.

— Tu ne vois donc pas ce que tu me fais ?

— Je ne te comprends pas, Gideon. Comment peux-tu te couper de tes sentiments comme si tu appuyais sur un bouton ? Comment peux-tu me balancer Corinne à la figure alors que tu sais ce qu’elle m’inspire ?

— Tu es ma raison de vivre, je ne peux pas faire abstraction de cela, répondis-je en lui effleurant la joue de mes lèvres. Je ne pense qu’à toi. Tout le temps. Tous les jours. Tout ce que je fais, je le fais en pensant à toi. Il n’y a de place pour personne d’autre. Et cela me tue que toi, tu puisses avoir de la place pour lui.

— Tu n’écoutes pas ce que je te dis.

— Ne t’approche pas de lui.

— La fuite n’est jamais une solution. Je suis en miettes, Gideon, tu le sais. J’essaie de me reconstruire.

Je l’aimais telle qu’elle était. Pourquoi cela ne suffisait-il pas ?

— Grâce à toi, je suis plus forte que jamais, poursuivit-elle. Certes, il y a encore des fêlures en moi et, quand je les aurai identifiées, il faudra que je trouve d’où elles viennent et comment les guérir. Définitivement.

— Qu’est-ce que tu racontes, bordel ? répondis-je, mes mains remontant sous son débardeur, cherchant avidement sa peau nue.

Elle se raidit et me repoussa, presque brutalement.

— Gideon, ne fais pas…

Je couvris sa bouche de la mienne, la soulevai et l’allongeai sur le sol. Elle se débattit.

— Ne t’oppose pas à moi, grondai-je.

— Si tu choisis d’ignorer nos problèmes, c’est nous que tu baises, Gideon.

— C’est toi que j’ai envie de baiser.

D’un mouvement preste, je tirai sur son short. J’étais pressé de m’enfoncer en elle, de la posséder, de la sentir capituler. Tout était bon pour faire taire la voix dans ma tête qui me disait que j’avais merdé. Une fois de plus. Et que cette fois ne me serait pas pardonnée.

— Lâche-moi.

Elle roula sur le ventre.

Je refermais les bras autour de son ventre quand elle se mit à quatre pattes. Elle était assez entraînée pour se dégager de mon étreinte, mais elle pouvait aussi m’arrêter d’un seul mot. Son mot de passe…

— Crossfire.

Dès qu’elle m’entendit prononcer ce mot, le mot qui symbolisait à lui seul le tumulte d’émotions qu’elle suscitait en moi, elle se figea, piégée avec moi dans l’œil du cyclone.

Il y eut comme un basculement. Un silence aussi puissant que familier explosa en moi, étouffant la panique qui menaçait d’ébranler mon assurance. Aussi pétrifié qu’elle, je laissai l’absence soudaine de turbulences se déployer. Cela faisait longtemps que je n’avais plus ressenti ce vertige qui accompagne le passage du chaos au contrôle. Seule Eva était capable de me bouleverser aussi profondément, de me renvoyer à l’époque où j’étais à la merci de tout et de tout le monde.

— Tu vas arrêter de t’opposer à moi, dis-je alors calmement. Et je vais te présenter des excuses.

Elle se détendit entre mes bras. Sa soumission fut aussi totale qu’immédiate. J’avais repris la main.

Je la soulevai et l’assis sur mes cuisses. Eva avait besoin de me sentir maître de la situation. Si je partais en vrille, elle volait en éclats, ce qui ne faisait que me bouleverser davantage. C’était un cercle vicieux et je devais le briser.

— Je suis désolé, murmurai-je.

Désolé de l’avoir blessée. Désolé d’avoir perdu le contrôle. Mon cauchemar m’avait mis à cran – elle l’avait deviné – et le coup qu’elle m’avait porté en mentionnant Kline aussitôt après ne m’avait pas laissé le temps de me ressaisir.

J’allais devoir régler le cas de Kline et surveiller étroitement Eva. Point barre. Je n’avais pas d’autre choix.

— J’ai besoin de ton soutien, Gideon.

— J’ai besoin que tu lui dises qu’on est mariés.

Elle appuya la tempe contre ma joue.

— Je vais le faire.

Je la soulevai le temps de m’adosser au mur, puis la serrai contre moi. Elle noua les bras autour de mon cou, et l’univers retrouva ses contours familiers.

Sa main glissa sur mon torse.

— Champion…

Je connaissais ce timbre caressant. Accepter ma domination excitait Eva, et je m’enflammai comme une allumette en réponse.

J’enfouis la main dans ses cheveux, enroulait les longues mèches blondes autour de mon poing. Son regarda se voila lorsque je tirai légèrement. Elle était entravée, à ma merci, et elle adorait cela. Elle en avait autant besoin que moi.

Je pris sa bouche.

Puis je la pris, elle.

Alors qu’Angus nous conduisait au bureau, je consultai mon planning et songeai au vol de 20 h 30 de ma femme.

Je lui jetai un coup d’œil.

— Tu prendras l’un des jets ce soir.

Elle regardait par la fenêtre de la Bentley, dévorant des yeux le paysage urbain, comme à son habitude.

Je suis né à New York, je ne m’en suis jamais beaucoup éloigné et j’ai fini par me l’approprier. À un moment donné, cependant, j’ai cessé de la voir. Mais la fascination que ma ville natale exerçait sur Eva m’avait incité à la regarder de nouveau. Sans la scruter avec la même intensité qu’elle, je la voyais désormais d’un œil neuf.

— Ah bon ? répondit-elle d’un ton de défi, heureusement contredit par le regard énamouré qu’elle tourna vers moi.

Un regard qui m’excitait si violemment qu’il me plaçait instantanément sur la ligne rouge.

— Oui, répondis-je en refermant ma tablette. C’est plus rapide, plus confortable et plus sûr.

— Très bien, concéda-t-elle, un sourire en coin.

Le plaisir qu’elle prenait à me taquiner me captivait et me donnait envie de la soumettre aux supplices les plus insensés, jusqu’à la reddition totale.

— Tu te chargeras de l’annoncer à Cary, ajouta-t-elle.

Elle croisa les jambes, révélant la bordure de dentelle de ses bas et un peu de son porte-jarretelles.

Elle portait un chemisier sans manches rouge vif, une jupe blanche et des sandales à lanières et talons hauts. Une tenue de travail tout à fait acceptable sur un corps qui était une invitation à l’indécence. Un courant électrique passa entre nous – la reconnaissance instinctive que nous avions été conçus pour nous emboîter parfaitement l’un dans l’autre –, et la pensée qu’elle serait loin de moi tout un week-end me fut soudain insupportable.

— Demande-moi de t’accompagner à San Diego, dis-je.

Son sourire s’effaça.

— Je ne peux pas. Si je dois annoncer qu’on est mariés, Cary doit être le premier à l’apprendre, et je ne pourrai pas le lui dire si tu es là. Je ne veux pas qu’il ait l’impression d’être tenu à l’écart de la vie que je crée avec toi.

— Moi non plus, je ne veux pas me sentir tenu à l’écart.

Elle entrelaça ses doigts aux miens.

— Consacrer du temps à ses amis ne nous empêche pas de former un couple.

— Je préfère te consacrer du temps à toi. Tu es la personne la plus intéressante que je connaisse.

Ouvrant de grands yeux, elle me dévisagea. Puis d’un seul mouvement, elle remonta sa jupe et s’assit à califourchon sur moi avant que j’aie compris ce qu’elle faisait. Elle prit mon visage entre ses mains, pressa ses lèvres brillantes de gloss sur les miennes et m’embrassa avec fougue.

Je laissai échapper un gémissement approbateur et elle s’écarta, à bout de souffle. Mes mains se refermèrent sur son sublime postérieur.

— Recommence, pour voir.

— Tu n’imagines pas à quel point j’ai envie de toi, souffla-t-elle en passant le pouce sur mes lèvres pour les essuyer.

— Je n’ai rien contre.

Son rire de gorge m’arracha un frisson d’anticipation.

— Je me sens carrément fabuleuse.

— Encore plus que dans le couloir ?

Sa joie était contagieuse. Si j’avais eu le pouvoir d’arrêter le temps, j’aurais choisi de le faire à cet instant.

— Il y a plusieurs façons de se sentir fabuleuse, répondit-elle en pianotant sur mes épaules.

Elle était… radieuse quand elle était heureuse, et son plaisir illuminait tout ce qui l’entourait. Même moi.

— Ce compliment que tu viens de me faire, champion, c’était le plus beau qui soit. Surtout venant du célèbre Gideon Cross, qui croise des gens fascinants tous les jours…

— … et souhaite qu’ils s’en aillent pour pouvoir enfin te retrouver.

Les yeux d’Eva étincelèrent.

— Mon Dieu, je t’aime tellement que cela me fait mal !

Mes mains se mirent à trembler. Gêné, je m’empressai de les glisser sous ses cuisses. Mon regard se mit à errer dans l’habitacle, cherchant un point d’ancrage.

Si seulement elle avait conscience de l’effet dévastateur de ces trois mots sur moi !

Elle me serra dans ses bras.

— Je voudrais que tu fasses quelque chose pour moi, murmura-t-elle.

— Tout ce que tu veux. N’importe quoi.

— J’ai envie d’une grande fête.

Je sautai sur l’occasion pour changer de sujet.

— Excellent idée. Je me charge d’installer la balançoire.

Eva recula et me donna une tape sur l’épaule.

— Pas ce genre de fête, espèce d’obsédé !

— Dommage, soupirai-je.

Elle me décocha un sourire coquin.

— Que dirais-tu si je te promettais la balançoire en échange de la fête ?

— Ah, alors là, je suis tout ouïe ! déclarai-je en m’installant plus confortablement, enchanté par sa proposition. Comment vois-tu les choses ?

— De l’alcool et des amis, les tiens et les miens.

— Entendu, acquiesçai-je. J’accepte alcool et amis, à condition de te faire ta fête dans un recoin sombre au cours de la soirée.

Elle avala sa salive et je retins un sourire. Je connaissais bien mon ange. Satisfaire son penchant pour les situations frisant l’exhibitionnisme était pour moi un changement radical quand j’y songeais, mais je m’en fichais royalement. J’aurais été prêt à tout pour partager avec elle l’un de ces moments où elle ne se souciait de rien d’autre que m’avoir en elle.

— Tu es dur en affaires, commenta-t-elle.

— Toujours.

— D’accord, fit-elle. J’accepte de me laisser coincer pendant la fête, sous réserve que tu te laisses caresser sous la table avant.

Je haussai les sourcils.

— Tout habillé, objectai-je.

Eva émit un bruit proche du ronronnement.

— Je crois que vous feriez bien de réviser vos fondamentaux, monsieur Cross.

— Je crois que vous allez devoir travailler davantage pour me convaincre, madame Cross.

Comme chaque fois avec Eva, cette négociation fut la plus revigorante de la journée.

Nos chemins se séparèrent au vingtième étage, lorsqu’elle quitta l’ascenseur pour rejoindre les bureaux de l’agence publicitaire Waters Field & Leaman. J’étais bien décidé à lui faire intégrer mon équipe et peaufinais chaque jour la stratégie qui me permettrait d’atteindre cet objectif.

Quand je pénétrai dans mon bureau, Scott, mon assistant était déjà là.

— Bonjour, me salua-t-il en se levant. Les relations publiques viennent d’appeler. Ils sont confrontés à un nombre inhabituel de requêtes concernant une rumeur de fiançailles entre Mlle Tramell et vous. Ils aimeraient savoir ce qu’ils doivent répondre.

— Ils peuvent confirmer, répondis-je.

— Félicitations, dit Scott.

— Merci, répondis-je en passant devant lui pour suspendre ma veste au portemanteau.

Quand je me retournai, il arborait un grand sourire.

Scott Reid accomplissait pour moi une myriade de tâches avec une telle discrétion que les autres avaient tendance à le sous-estimer, ce qui lui permettait de passer inaperçu. Plus d’une fois, son sens aigu de l’observation s’était révélé extrêmement précieux, aussi avais-je jugé bon de bien le payer, histoire de l’empêcher d’aller voir ailleurs.

— Mlle Tramell et moi serons mariés avant la fin de l’année, précisai-je. Toute demande d’interview ou de photos concernant l’un de nous devra passer par Cross Industries. Vous préviendrez la sécurité. Personne ne doit la contacter sans être d’abord passé par moi.

— Ce sera fait. M. Madani a demandé à être prévenu de votre arrivée. Il aimerait s’entretenir avec vous avant la réunion de ce matin.

— Je suis prêt à le recevoir quand il veut.

— Parfait, déclara Arash Madani en entrant dans le bureau. Il fut un temps où tu étais à pied d’œuvre avant 7 heures. Tu te relâches Cross.

Je gratifiai mon avocat et conseiller juridique d’un coup d’œil faussement assassin. Arash ne vivait que pour son travail, dans lequel il excellait, raison pour laquelle je l’avais soufflé à son précédent employeur.

Je lui indiquai l’un des fauteuils en face de mon bureau, et m’assis. Son costume bleu nuit était élégant sans ostentation, et ses cheveux ondulés parfaitement disciplinés. Ses yeux sombres reflétaient une intelligence aiguë, quant à son sourire, il était plus circonspect que chaleureux. C’était un ami en plus d’être un employé, et j’appréciais son goût pour la concision.

— Nous avons reçu une offre correcte pour la propriété de la 36e Rue, annonça-t-il.

— Ah oui ? fis-je, pris de court, et soudain en proie à des émotions diverses.

Tant que j’en serais propriétaire, l’hôtel qu’Eva détestait demeurerait un problème.

— Tant mieux, ajoutait-je, laconique.

— C’est d’autant plus curieux que la reprise du marché immobilier est plus que timide, observa-t-il. J’ai dû creuser pas mal, mais j’ai fini par découvrir que l’enchérisseur est une filiale de LanCorp.

— Intéressant.

— Gonflé, je dirais. LanCorp sait qu’il est très loin de l’estimation la plus élevée – un écart de dix millions, grosso modo. Je te recommande de retirer la propriété de la vente et de voir où en sera le marché d’ici un an ou deux.

— Non, répondis-je en écartant sa suggestion d’un revers de main. S’il le veut, qu’il l’ait.

Arash cilla.

— Tu déconnes ? s’exclama-t-il. Pourquoi es-tu tellement pressé de te débarrasser de cet hôtel ?

Parce que je ne peux pas le garder sans faire souffrir ma femme.

— J’ai mes raisons.

— C’est ce que tu m’as répondu quand je t’ai conseillé de le vendre il y a des années et que tu as choisi d’engloutir des millions en frais de rénovation au lieu de m’écouter. Tu commences à peine à rentrer dans tes frais, et tu veux t’en débarrasser maintenant, alors que le marché est encore très hésitant et que l’acheteur potentiel est ton ennemi juré ?

— Il n’y a pas de mauvais moment pour vendre de la pierre à Manhattan.

Et n’importe quel moment était bon pour bazarder ce qu’Eva appelait ma « garçonnière ».

— Certains sont meilleurs que d’autres, tu le sais. Landon le sait. En acceptant de lui vendre, tu ne feras que l’encourager.

— Parfait. Peut-être qu’il montrera son jeu.

Ryan Landon avait une revanche à prendre ; je ne lui en tenais pas rigueur. Mon père avait décimé la fortune des Landon et Ryan voulait qu’un Cross paye pour cela. Ce n’était ni le premier ni le dernier des hommes d’affaires à me reprocher les exactions de mon père, mais c’était le plus tenace. Et il était suffisamment jeune pour avoir beaucoup de temps à consacrer à cette tâche.

Je contemplai la photo d’Eva posée sur mon bureau. Toute autre considération était secondaire.

— À ta guise, déclara Arash qui, moqueur, leva les mains en signe de reddition. Préviens-moi simplement si tu as l’intention de changer les règles.

— Rien n’a changé.

— Si tu crois cela, Cross, c’est que tu es davantage sur la touche que je ne le pensais. Parce que pendant que monsieur se prélasse à la plage, Landon lui, travaille à ta défaite.

— Tu vas me reprocher encore longtemps d’avoir pris un malheureux week-end de congé, Arash ?

Et j’avais bien l’intention de récidiver. Cette parenthèse idyllique avec Eva dans les Outer Banks avait été à elle seule un concentré de tous les rêves que je ne m’étais jamais autorisé à faire.

Je me levai et m’approchai de la fenêtre. Les bureaux de LanCorp se trouvaient dans un gratte-ciel à deux blocs de là et le bureau de Ryan Landon jouissait d’une vue imprenable sur le Crossfire Building. Je le suspectais de passer pas mal de temps chaque jour à fixer mon bureau d’un regard songeur en réfléchissant au prochain tour qu’il allait me jouer. Il m’arrivait à l’occasion de lui retourner symboliquement son regard pour le défier.

Mon père était un criminel qui avait détruit de nombreuses vies. C’était aussi l’homme qui m’avait appris à faire du vélo et à être fier de mon nom. Je ne pouvais pas sauver la réputation de Geoffrey Cross, mais je me faisais fort de protéger ce que j’avais bâti sur ses cendres.

Arash me rejoignit devant la fenêtre.

— Je ne dis pas que l’idée de m’évader avec une aussi jolie fille qu’Eva Tramell me déplairait si l’occasion m’en était donnée. Je dis juste que je prendrais mon portable avec moi. Surtout si j’étais au beau milieu d’une négociation importante.

Je me souvins de la saveur du chocolat fondu sur la peau d’Eva et je me dis qu’une tempête aurait pu arracher le toit sans que je m’en soucie une seconde.

— Tu me fais presque pitié, Arash.

— Le software que vient d’acquérir LanCorp a renvoyé Crossfire Industries à l’âge de pierre en matière de recherche et développement. C’est pour cela qu’il joue les impudents.

C’était surtout cela qui irritait Arash – l’idée que Landon allait se gargariser de son succès.

— Ce software ne vaut pratiquement rien sans le hardware de PosIT.

— Et alors ? rétorqua-t-il.

— Rappelle-moi le troisième point du planning ?

— Sur mon exemplaire, j’ai lu À déterminer, répondit-il en se tournant vers moi.

— Le mien stipule PosIT. Satisfait, monsieur ?

— Merde alors… souffla-t-il.

Le téléphone posé sur mon bureau sonna, et la voix de Scott retentit dans l’interphone.

— Deux choses, monsieur Cross. Mlle Tramell est sur la ligne un.

— Merci, Scott, répondis-je en me dirigeant vers l’appareil, galvanisé par le plaisir de la partie de chasse qui s’annonçait.

Si nous réussissions à acquérir PosIT, Landon se retrouverait à la case départ.

— Lorsque j’aurais terminé, vous me passerez Victor Reyes.

— Entendu. Et Mme Vidal est à la réception, poursuivit-il, me coupant dans mon élan. Souhaitez-vous que je repousse la réunion ?

Je ne pouvais pas apercevoir ma mère d’où j’étais, mais je tournai malgré tout les yeux vers la paroi vitrée qui séparait mon bureau du reste de l’étage. Je serrai les poings. Si je me fiais à l’heure affichée sur le téléphone, je ne disposais que de dix minutes et ma femme était en ligne. L’urgence imposait de faire patienter ma mère jusqu’à ce que je puisse la caser dans mon emploi du temps, je choisis néanmoins d’écarter cette option.

— Accordez-moi vingt minutes, lui dis-je. Une fois que j’aurais pris les deux appels, vous ferez entrer Mme Vidal.

— Bien.

Je laissai passer une seconde, puis décrochai le téléphone et appuyai sur la touche qui clignotait.

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